Petit Ado, 14 ans dans 5 semaines, a perdu son papa il y a maintenant presque deux ans et demi. Un arrêt cardiaque l'a embarqué. Il avait 43 ans, nous avions la garde alternée de notre fils et nous entendions bien. Petit Ado était en 6° depuis 3 mois seulement et il n'a rien compris. Personne n'a rien compris d'ailleurs, il sortait à peine de l'hopital pour un infarctus, qui nous avait déjà tous bien choqué. Il n'a pas eu le droit à une seconde chance malgré son jeune âge. Je crois que c'est ça qui m'a le plus mise en colère. Cette injustice. Même si je sais que la mort n'est jamais bien juste.
Pendant la période où il était à l'hopital, mon conjoint et moi avons toujours tenu mon fils au courant des nouvelles concernant son papa. Après chaque visite nous lui faisions une sorte de compte rendu, nous ne l'avons jamais bercé d'illusions même si nous avons choisi l'optimisme malgré certains jours où moi même je n'y croyais pas/plus. Il a su dès le départ qu'il ne reverrait peut être plus son papa, que la situation était grave. Il a un jour accepté d'aller le voir, de lui apporter un mot qu'il avait rédigé pour lui et lui a parlé de sa nouvelle coupe de cheveux, du collège...
Il lui a fallu du temps avant d'aller "le voir" au funerarium, plus de 6 mois, pour qu'il finisse par me dire "de toute façon papa il est pas là". Il n'a jamais souhaité y retourner depuis. Il ne souhaite pas non plus que nous "soulignons" la date de son décès d'une quelconque façon que ce soit, il n'a connaissance que de la période, ne connait pas la date exacte et ça lui va très bien comme ça. Il se souvient par contre très bien des deux jours où je lui ai annoncé que son papa était à l'hopital, de ce qu'il faisait à ce moment ou de ce qu'il avait prévu de faire avec lui.
Il est passé par la phase "c'est la faute de ..." et quasiment tout le monde y est passé, le copain avec qui il a fait un tennis suite auquel il a fait son infarctus, moi puisque je l'ai quitté, si j'étais restée avec lui il aurait fait ceci/pas cela ..., les potes avec qui il faisait pas mal la fête, ses grands parents bien sûr puisque ce sont eux qui ont pris la décision finale, mais aussi son papa puisqu'il fumait et qu'il avait pourtant promis d'arrêter ... Il avait besoin de trouver un coupable.
Aujourd'hui il me questionne, beaucoup, sur des choses précises, il semble prêt à entendre comment s'est passé l'accident, et surtout en avoir besoin. Ce qu'était entrain de faire son papa quand il a fait son arrêt cardiaque, avec qui il était, qui a appelé les secours, mais aussi pourquoi nous n'avons pas plus attendu avant de débrancher les machines, comment nous pouvions être sûrs qu'il ne se serait pas réveillé... Des questions qui font mal tant elles sont crues et me rappellent des moments affreux, mais qui semblent primordiales pour lui, pour l'aider à comprendre pourquoi on lui a pris son papa et auxquelles je me dois de répondre.