Crédit Photo : Vincent Bourgeau
Parfois je me sens une mère qui déchire et parfois qui déconne. Et là c'est le cas j'ai déconné. Depuis quelques jours je me sens complètement minable. L'impression de ne pas avoir été à la hauteur du tout.
Nous habitons dans un quartier calme et tranquille, le lycée de secteur est à 20 minutes de chez nous. Tout comme le collège de secteur il y accueille en majorité des enfants du quartier de la Paillade* de Montpellier, une ZUP majoritairement peuplée de personnes issues de l'immigration magrébine. A la fin de l'école primaire de mon fils ainé nous étions une minorité à inscrire nos enfants dans ce collège jugé mal fréquenté, pour certains simplement parce que les prénoms d'enfants ne ressemblaient pas à ceux du calendrier français. Seuls 4 élèves sur une classe de 29 y sont allés, les autres sont partis en privé ou ont réussis à intégrer des collèges dans des petites villes aux alentours.
Nous nous sommes longuement interrogés avant de faire ce choix, ne serait ce que parce que à l'époque le papa de mon fils habitait dans un autre quartier et puis les ouï-dire évidemment mais je connaissais deux mamans ayant mis leurs ainés qui étaient très positives. Nos convictions nous ont fait jouer la carte de la mixité. Il a donc fait son entrée en 6° dans ce collège, puis son entrée en 5° et au bout de deux mois nous l'avons changé établissement. L'ambiance ne convenait pas à sa nouvelle situation d'enfant fragilisé par la perte de son papa, il avait besoin d'un environnement plus serein, plus tranquille et avait fini par nous avouer être tour à tour traité de fromage blanc ou de jambon. On a dit stop.
L'ado a passé le reste des années collège dans cet établissement privé. Dans un environnement qui lui convenait parfaitement bien, de la rigueur, du respect et de la bienveillance. Nous avions décidé qu'il retrouverait le chemin d'un établissement public dès la seconde. J'avais de bons échos concernant l'enseignement dispensé, les bâtiments étaient chouettes, un lycée à taille humaine, un bon contact lors de la visite. C'était décidé.
Nous voulions jouer la carte de la mixité
L'ado est entré en seconde en septembre, les profs lui ont tout de suite plu, il a retrouvé certains élèves de 6° et 5° tous ceux du collège ayant continué dans le privé eux, sa vie sociale de lycéen s'annonçait bien. Et puis les soucis ont commencé. Un élève à problème dans sa classe ingérable, exclu pour 3 jours dès la troisième semaine d'école, des professeurs coupés toutes les cinq minutes en cours, des élèves se parlant à travers la classe et puis récemment un professeur ayant reçu une lettre d'insultes très agressive. Le professeur principal que j'avais rencontré après 1 mois, à qui j'avais exposé mon envie de changer mon enfant de classe m'a convaincue en me disant qu'ils avaient l'habitude, qu'ils allient sévir, que ce serait de l'histoire ancienne rapidement.
Force est de constater que rien n'a changé. Je l'ai revue il y a deux jours et elle a reconnu un échec. Malgré toute la motivation qui anime cette équipe de professeurs, ils n'y arrivent pas. Malgré l'éviction de l'enfant dit "à problèmes" d'autres s'y sont mis et elle reconnait ne pas arriver à faire cours correctement et ne pas pouvoir exiger un niveau de seconde tant celui des élèves de cette classe est bas. "Votre enfant n'a rien à faire dans cette classe il a la seconde meilleure moyenne de la classe, il est intelligent et sérieux, il se gâche". Je n'ai donc pas eu à argumenter pour lui demander expressément de changer mon fils de classe.
Nous avons dans la foulée rencontré le Directeur Adjoint qui n'a pas semblé très sensible à mon discours expliquant que mon enfant avait la boule au ventre en se rendant au lycée tant il se sent agressé par le bruit et les injures et inquiet tant ils n'avancent pas en cours ou n'ont rien à faire à la maison. "On ne va tout de même pas enlever tous les bons élèves de cette classe". La professeur principale a reconnu encore une fois son échec et son erreur de m'avoir demandé de patienter et lui a dit qu'on ne pouvait pas laisser mon fils dans cette classe qu'il en souffrait, qu'il n'allait pas bien. Le conseil de classe a lieu ce soir, ils doivent tous en parler, la professeur principale m'a dit qu'elle ne manquerait pas encore une fois de plaider la cause de mon fils. Elle m'a clairement dit qu'il n'avait même rien à faire dans cet établissement.
Un directeur adjoint peu sensible à ma requête.
Je me suis sentie en dessous de tout à ce moment là. Bien sûr que j'ai des convictions, évidemment que je veux jouer le jeu de la mixité, que je ne veux pas faire évoluer mon fils dans un monde qui ne reflète pas la réalité. Mais si nous ne sommes qu'une poignée de parents à le souhaiter comment est ce que cela peut se produire? Je ne peux décemment pas sacrifier mon fils parce que j'ai des idéaux ! Depuis ce rendez-vous j'ai rempli deux dossiers d'inscription dans des lycées privés, en guise de plan B. Il fera très certainement sa rentrée de 1ère dans un de ces établissements. Je suis triste de voir qu'il est impossible de faire autrement mais encore plus triste de ne pas y avoir songé avant, tellement mal d'avoir été aussi naïve et de faire encore une fois subir un changement de classe/établissement à mon fils qui a tant besoin de stabilité.
Une mère en carton voilà comment je me sens en ce moment, en dessous tout.
¨* Devant aider l'agglomération montpelliéraine à accueillir les rapatriés d'Algérie et du Maroc (pieds noirs) et les jeunes issus du baby boom, le quartier a accueilli depuis des immigrés étrangers et constitue une zone très populaire à fort contraste avec la ville elle-même particulièrement bourgeoise.