Il y a des événements dans la vie qui vous marquent plus que d'autres. Que ce soit des événements heureux ou moins heureux, voir complètement horribles. Il y a des événements pour lesquels nous ne sommes et ne seront jamais préparés. Je le sais, j'en ai déjà fait les frais. Est-ce justement pour cette raison que je ne pensais jamais le vivre ? Peut être. Au fond, la vie m'a déjà faite tellement souffrir, comment pouvait elle encore une fois me faire un sale coup pareil ? Non, vraiment, je ne pensais pas vivre ça. Pourtant, il y en a eu autour de moi et je sais à quel point c'est une situation douloureuse et difficile. J'ai essayé et j'espère avoir réussi à être là pour ces personnes. J'ai tout fait pour en tout cas mais trouver sa place, que dire, que faire dans des cas pareils, ce n'est pas toujours simple.
Mais cette fois-ci c'était mon tour.
Ca m'est tombé dessus comme ça, comme un coup de massue auquel je ne m'attendais pas. J'ai mis du temps à m'en remettre et je ne sais d'ailleurs pas si aujourd'hui, j'en suis remise... En fait je pense tout simplement qu'on ne s'en remets jamais totalement. C'est pour ça que je me suis faite moins présente, c'est pour ça que ce billet arrive si longtemps après. Parce que c'est dure mais je voulais l'écrire et apporter mon témoignage pour aider toutes celles qui sont passées ou passeront par là.
Parce que tout avait bien commencé
On est fin mai et il fait tellement beau. Un gros malaise au matin et une sensation bizarre qui te souffle une petite phrase à l'oreille : " Il faudrait peut être aller chercher ce test de grossesse qui traîne dans l'armoire et le faire, pour voir... " Je ne saurais l'expliquer... C'est venu comme ça. Pourtant, je suis sous pilule d'allaitement, je n'ai donc pas de règles et donc pas de retard. Mais quelque chose me dit que... J'écoute mon corps et je le fais. Surprise... C'est un beau +++ qui apparaît.
Et la, l'euphorie !
Je suis si contente, je ne suis que joie, je touche ce ventre et je dis Merci. Une jolie surprise qui a fait rire PapaNums. Je n'arrive pas à attendre et quelques jours plus tard, je le dis à mes 2 grands. Ils sont super contents et ils rient aussi. Je préfère attendre le 1er rdv avant d'en parler aux plus petits, c'est ce que j'ai toujours fait. Mon rdv est fixé dans longtemps, il faut attendre. Un petit ventre pointe assez vite... Quelques nausées, des maux de tête, tout est normal quoi
En attendant, on réfléchit à comment l'annoncer, on fait des pronostiques sur la DPA, le sexe de bébé toussa toussa. On est juste heureux.
Je suis dans ma bulle, j'adore être enceinte et j'en ai toujours voulu 7. Bonheur absolu.
Arrive juillet et mon rdv ...
Je suis surexcitée. J'ai trop hâte de voir ce bébé à l'écho, d'entendre son coeur, de savoir quand il pointera le bout de son nez. Je sais que ça doit être dans les environs de décembre, peu après les 1 an de Num6. Mon tour est enfin là. Je pense que je devais avoir le sourire jusqu'aux oreilles. Quelques questions, un peu de blabla et je peux m'installer sur la table. On allume l'écran et c'est parti pour l'écho. Vive le gel glacé et hop la sonde et... je vois ce petit bébé.. trop beau.
Mais très vite, je comprends que quelque chose ne va pas, la dame tourne l'écran vers elle, me dit qu'elle doit vérifier quelque chose avant. J'ai le souffle coupé et je sens mon coeur battre dans ma poitrine. Elle éteint tout et j'entends ces quelques mots qui résonnent : " Le coeur s'est arrêté. Ca doit faire plusieurs jours, vous allez faire une fausse couche. Le foetus a la taille d'un bébé de 9 semaines+6″
J'attends la suite ... mais rien" Vous pouvez vous rhabiller ". Je suis sonnée et je ne comprends rien.
Jusqu à aujourd'hui, je ne comprends pas comment on peut annoncer ça comme ça d'ailleurs ! Pour eux, ce n'est peut être qu'une fausse couche de plus mais c'est moi ! Je suis une personne, un être humain avec des sentiments, c'était mon bébé et je ne m'attendais pas du tout à ça. Je lui demande difficilement comment c'est possible, pourquoi et pour réponse je n'aurai qu'un " Ca arrive, c'est pas grave " (Je te laisse imaginer mon état psychologique à ce moment là)
Vient ensuite le " Et maitenant? "
Elle m'explique que j'ai le choix : Soit j'attends que la fausse couche arrive spontanément. Je peux attendre mais si d'ici lundi rien ne s'est fait naturellement, je dois prendre un cachet pour la provoquer et l'appeler. Le choix horrible ! Tiraillée par le fait de savoir que ce bébé en moi est mort, la peur que ce soit complètement fini, la peur de la douleur etc.
Elle ferme mon dossier. Je suis là, bêtement, perdue, je pleure et c'est fini... Comme un numéro à l'abattoir... c'est vraiment ça.
A ce moment là, un tas de chose arrive dans ma tête. Je me pensais aux alentours des 11Sa mais ce bébé était mort en moi depuis une semaine à peu près. Pourquoi ? Qu'est ce que j'ai fait ? C'est ma faute ! Ce sentiment de culpabilité qui me suivra longtemps.
Je suis à peine sortie que je reçois un sms de PapaNums. Le retour à la réalité ! Il veut savoir comment va le bébé. Je ne connais plus tous les détails mais je me souviens lui avoir répondu simplement : il n y a plus de bébé. J'étais entre la colère, la tristesse, perdue.
Et je rentre
Pendant tout le trajet une question dans ma tête : Que dire aux grands ? Ils sont à la maison. Ils savaient où j'allais. Ils attendent des nouvelles, des photos.... et je ne sais pas comment leur dire. Je ne dirai rien... Je suis rentrée et je suis allée m'enfermer direct dans ma chambre, porte verrouillée. Je savais que PapaNums rentrait bientôt. C'est lui qui leur a dit. J'en étais incapable. Je les ai vus très touchés et tristes. J'ai même entendu Num2 pleurer et ma culpabilité est encore montée en flèche !
Je garde la suite des événements pour moi mais ça a juste été très difficile et très douloureux (moralement mais aussi physiquement)... toujours seule...
Ce qui a été difficile aussi c'est cette fragilité, cette douleur. J'avais mal, j'ai pleuré beaucoup. Et les fausses couches sont tellement banalisées que j'avais l'impression de ne pas avoir le droit d'être si triste, si longtemps, de pleurer autant. Comme si on nous disait c'est bon hop on passe à autre chose... Je sais, j'ai la chance d'avoir déjà 6 enfants mais je ne vois pas en quoi ça devrait atténuer ma douleur. Bien sûre ça m'a aidé à me relever, une chance qu'ils étaient là mais le fait de les avoir ne me faisait pas avoir moins mal.
Ce bébé, je l'ai imaginé dès la seconde où la petite barre est apparue sur le test. Je l'ai aimé, je lui ai parlé, je me suis projetée, j'ai fait des projets pour nous, pour lui... C'était mon bébé, il était la, en moi, on ne faisait qu'un et il est mort.... mon tout petit... Alors MERDE, oui j'ai le droit de pleurer, d'être mal, d'être triste et aussi longtemps que j'en ai besoin. Maintenant je le vois comme ça mais à ce moment là, c'était pas si simple. Ca avait l'air fini pour tout le monde, sauf pour moi.
Depuis, c'est toujours en moi
En décembre, ce fut très difficile... J'y ai énormément pensé ! Il aurait dû arriver en décembre et aujourd'hui il aurait du être là... et c'est toujours si difficile. Je repense beaucoup à cette fausse couche tout en ne pouvant plus en parler. C'est toujours comme un coup de poignard. Les larmes viennent facilement quand j'y repense.
J'ai longtemps hésiter à écrire puis publier ce billet.
Une fausse couche, c'est très personnel mais en même temps combien de femmes vivent la même chose ???
Combien de femmes se voient annoncer la chose comme ça tout simplement, comme ci ce n'était rien ?
Combien d'entre nous ressentent cette culpabilité ? Se sentant fautives alors qu'au final ce n'est pas de notre faute.
J'espère tellement que ça ne se passe pas comme ça pour tout le monde, que certains médecins sont encore humains et pensent à nous en tant que personnes et non qu'en simples patientes numérotées ! Car je pense que c'est ce qui a été le plus difficile.
Alors, à toutes celles qui sont passées ou passeront par là j'ai envie de vous dire
- Vous n'êtes pas seules !
- Vous n'êtes pas coupables
- Vous avez le droit d'être tristes autant que vous voulez
- Ne restez pas seules.
- Parlez-en
J'ai fini par publier ce billet en espérant qu'il vous servira à vous autant qu'il m'a servi à moi. Car mettre des mots sur tout ça m'a fait tellement de bien.
A très vite,
Laurie.